Le 23 mai 2022, un point d’étape a été présenté par les partenaires de Profilait au siège de l’Alliance, chef de file du projet. Le moment était propice pour réunir l’ensemble des acteurs, afin de pouvoir expliquer l’état d’avancement du projet et les prochaines étapes à venir. Plus de quatre-vingts personnes ont participé à cette première rencontre.
Trois axes de travail complémentaires
Ce point d’étape Profilait a permis de réaliser un état des lieux précis de la demande et de l’offre en protéines pour la filière laitière. Ce projet a été lancé il y a deux ans. Les évolutions géopolitiques, le changement climatique, la nouvelle PAC,… donnent raison aux choix stratégiques retenus dans ce projet.
Pour Profilait, trois axes de travail ont été retenus et sont indissociables :
Pourquoi le lait et les grandes cultures ?
L’idée était de partir de la demande pour mieux connaître précisément les besoins, puis travailler sur le potentiel de production, à l’échelle de la grande région. La marche était plus facile à franchir pour la filière laitière, mais cette initiative a vocation à s’élargir aux autres filières intéressées.
Les premières conclusions sont encourageantes car, si l’offre reste insuffisante, il y a de réelles potentialités et opportunités à développer avec les nouveaux dispositifs de la PAC incitant à la production de protéines (aides couplées, éco-régimes, MAEC ZI,…), sans oublier les intérêts agronomiques pour les systèmes fragilisés.
Pour l’ouverture de cette journée, Sylvain Marmier, président du COR économie de la CRA Bourgogne Franche-Comté, explique que « l’objectif de la démarche permet de donner de la lisibilité et de sécuriser mutuellement les acteurs pour valoriser la protéine locale ».
« Au départ, c’était une gageure de réunir tous ces acteurs du monde économique, aux OPA, à la recherche,… Cela a permis d’établir un état des lieux jamais réalisé auparavant. Le projet Profilait offre les conditions d’un dialogue constructif, dans un cadre neutre et structurant pour cette nouvelle filière. », précise Christophe Richardot, directeur général de l’Alliance.
Si la démarche est collective, les intérêts peuvent être différents, en fonction des besoins de chaque filière. « Pour le lait conventionnel, c’est l’autonomie alimentaire des exploitations qui est recherchée », souligne Nathalie Mairet, présidente de la section lait de la FRSEA BFC, tout en complétant son propos : « Nous sentons bien que les consommateurs français, mais également européens, attendent de notre part un peu plus que des bons produits laitiers. Ils souhaitent que nous soyons encore plus attentifs à notre acte de production ».
Mathias Bouillet, président de la FRCL du Massif Jurassien, lui, reconnaît que c’est un sujet d’actualité qu’il faut travailler : « Au niveau du lait AOP, nous devons anticiper les questions par rapport à l’image attendue d’un produit d’excellence ». Enfin, pour la filière grandes cultures, Clément Tisserand, président de Terre Comtoise, explique les raisons qui ont poussé l’Alliance à porter ce projet : « Nous devons renforcer la résilience des filières et jouer sur leurs complémentarités ».
Etat des lieux
« Pas d’état des lieux sans donner la parole aux agriculteurs », rappelle Christophe Chambon, président de la FRSEA Bourgogne Franche-Comté, : « Les résultats de l’enquête que nous avons réalisée auprès des producteurs sont intéressants. On sent que c’est un sujet qui passionne de nombreux agriculteurs, que ce soit au niveau des éleveurs ou des producteurs de grandes cultures ».
Dans des conditions climatiques « normales », l’offre globale en protéines fourragères est suffisante pour couvrir la demande des animaux de la filière laitière. Par contre, la fréquence des aléas climatiques peut rapidement remettre en cause l’autonomie fourragère. Cette approche macro ne permet pas de se rendre compte des spécificités de chaque exploitation.
La région Bourgogne Franche-Comté dispose toutefois d’un potentiel et de conditions favorables, pour développer la production de protéines. « Par contre, les outils de transformation sont saturés », souligne Fanélie Godot, chargée de mission à l’Alliance.
Au niveau du potentiel, avec la forte variabilité des rendements, le seul moyen d’agir est d’augmenter les surfaces. Le meilleur levier, pour augmenter la quantité de protéines produites sous forme de concentrés pour les élevages laitiers, est d’augmenter les surfaces en colza, soja, tournesol, pois et féveroles !
« Le contexte géopolitique et la PAC 2023 sont des opportunités pour augmenter les surfaces et la production de protéines régionales » confirme Jérémie Blas de la Chambre d’agriculture de Côte d’Or.
Conditions de mise en œuvre et perspectives
« Mais, au-delà de consommer ou de produire, l’important est de pouvoir concilier une bonne adéquation entre l’offre et la demande », indique Valérie Vivot de la CRA Bourgogne Franche-Comté. Elle poursuit : « Cela va demander de travailler sur la contractualisation avec des mécanismes de prix et sur des seuils d’acceptabilité pour les éleveurs et céréaliers (tunnel de prix), avec un contrat cadre et des contrats bipartites. La gouvernance doit être d’une relation équilibrée entre les acteurs ».
Pour mieux expliciter cette démarche, Mathilde Schryve, responsable études et prospectives à Cerfrance Bourgogne Franche-Comté, présente les mécanismes d’une contractualisation entre la filière grandes cultures et la filière laitière, pour limiter les risques, tout en créant et en répartissant de la valeur : « La contractualisation permet de construire une filière plus stable et d’aller chercher de la valeur ajoutée ».
Lionel Borey, en tant que président de l’Alliance, fait la synthèse des différents travaux : « Cette filière protéines de proximité est une filière d’avenir à construire avec les nouvelles générations. Nous devons développer, pour cela, une intelligence collective, en dépassant les logiques clivantes de filières. Les solutions, pour les filières d’élevage, pourront naître de la filière végétale… et inversement. Il s’agira d’avancer, étape par étape, en confiance. L’une des clés sera d’avoir une bonne gouvernance pour s’adapter rapidement à l’évolution du contexte ».
Christian Morel, vice-président du Conseil régional, apprécie « la qualité du travail réalisé, en espérant que les travaux engagés permettront de créer une véritable dynamique de valeur ajoutée pour les filières. » « Si vous avez obtenu un soutien de FranceAgriMer, la Région a apporté un soutien pour ce projet ».
« Cette démarche de filière est importante », conclut Christian Decerle, président de la CRA Bourgogne Franche-Comté, « mais nous devrons également mobiliser tous les leviers, au niveau des exploitations, pour renforcer la résilience des systèmes et assurer, ainsi, un revenu décent aux agriculteurs ».