A la demande de profession et à l’initiative de François Patriat, sénateur de Côte d’Or, le président de la République, Emmanuel Macron, et le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, sont venus en Bourgogne Franche-Comté pour parler d’agriculture et faire le bilan de la loi EGalim. Le programme de la journée était bien chargé avec, en fin de matinée, la visite d’une ferme « le GAEC Estivalet », à Etaules, en Côte d’Or, pour se poursuivre, dans l’après-midi, par un entretien en préfecture avec le ministre de l’agriculture, sur les dossiers d’actualité et la nouvelle PAC.
A défaut de salon de l’agriculture, une petite matinée sur la ferme
Habituellement, à cette période, c’est la semaine du salon de l’agriculture ; une occasion de valoriser la ferme France, le travail des agriculteurs avec la diversité des produits et la richesse de nos terroirs. Avec toutes les contraintes sanitaires, le salon a été annulé et des initiatives sont prises pour mettre en valeur le rôle des agriculteurs chargés, notamment, d’assurer notre souveraineté alimentaire.
Le juste prix pour les agriculteurs
Cette rencontre de la matinée était consacrée essentiellement aux négociations commerciales et à la loi EGalim,…
Si Emmanuel Macron a souhaité que les producteurs, les transformateurs et les distributeurs se réconcilient entre eux…, il faut bien reconnaître que, sur ces questions, nous ne sommes pas dans un monde de bisounours, comme le témoignent les discussions actuelles, où la grande distribution n’a jamais été aussi virulente sur la baisse des prix. Le gouvernement a dû hausser le ton et a annoncé que les contrôles des services de la répression des fraudes seraient intensifiés.
Le triptyque : indicateurs, contractualisation et transparence
Après la visite de la ferme, une table ronde sur le bilan de la loi EGalim était animée par Serge Papin, ancien PDG de Système U. Serge Papin a, en effet, été missionné par le ministère de l’agriculture pour travailler sur une meilleure répartition de la valeur ajoutée dans le secteur agricole. Lors de ces échanges, il a été mis en avant l’importance de travailler sur des indicateurs fiables, de travailler dans le cadre contractuel avec plus de transparence.
« Mais soyons réalistes », précise Christian Decerle, président de la chambre régionale d’agriculture. « Le drame de l’agriculture française c’est qu’il n’y aura pas de paysans s’il n’y a pas de revenus ».
En confiant la clé du camion à un ancien de la grande distribution, ce n’est pas garanti qu’il trouve la bonne formule pour réussir cette meilleure répartition des marges. De plus, il semble que la voix réglementaire mériterait d’être un peu plus étoffée pour faire bouger les lignes.
Cette table ronde a été l’occasion aussi de mettre en avant les initiatives valorisant les produits de proximité comme la marque « 100 % Côte d’Or ». Reste encore à trouver les bonnes formules qui assurent le juste prix aux producteurs.
Discussions en préfecture sur la nouvelle PAC
Julien Denormandie s’était engagé à recevoir les représentants de la FRSEA, des JA et de la CRA pour échanger sur ses orientations concernant la nouvelle PAC, mais aussi sur les dossiers agricoles régionaux en discussion actuellement comme les calamités, les zones vulnérables, les nouvelles réglementations liées à l’environnement. Les échanges ont été riches avec plus d’une heure de discussion à la préfecture de région, sans annonce particulière mais une écoute attentive.
Une nouvelle PAC : nous avons une proposition équilibrée pour préparer l’avenir
Sachant les minutes comptées, Christophe Chambon, président de la FRSEA Bourgogne Franche-Comté, est rentré tout de suite dans le vif du sujet : « Monsieur le ministre, nous travaillons depuis deux ans sur le sujet avec toutes les filières, les organisations, l’appui de la Région et de la DRAAF, nous avons réussi à construire un consensus partagé prenant en compte les spécificités de chacun. Nous avons ensuite simulé ces propositions pour qu’elles rentrent dans le cadre financier imposé, en vous proposant une PAC prospective accompagnant les transitions. Je laisse Sylvain Marmier, président comité d’orientation économie de la CRA, présenter nos travaux ».
Sylvain Marmier résume, en dix minutes, les priorités pour notre région.
« Nous souhaiterions mettre l’accent sur quelques points qui nous semblent essentiels.
Avec cette nouvelle réforme, il est important d’assurer le maintien du revenu à tous les producteurs et, pour cela, il est nécessaire de maintenir les aides couplées à leur niveau actuel.
Nous pensons, aussi, qu’il faut répondre à la spécificité des zones intermédiaires qui sont pénalisées par leurs faibles potentiels agronomiques, avec un dispositif d’accompagnement identifié sur le premier et le deuxième pilier.
Nous restons convaincus que, pour répondre aux attentes sociétales et à l’évolution des marchés, il faut accompagner les transitions, avec la mise en place des programmes opérationnels pour toutes les filières.
Le concept des éco-schemes, nouvelle mesure environnementale, doit être précisé et ne doit pas rajouter de nouvelles contraintes. Dans ce domaine, il est impératif de reconnaître l’existant : 75 % d’herbe doit être égal à 100 % d’éco-scheme.
Pour le deuxième pilier, notre région souhaite préserver l’ICHN, car cette politique vise à compenser les difficultés structurelles auxquelles sont confrontés les éleveurs en zones de montagne et défavorisées.
Une bonne gestion des risques passe par un dispositif opérationnel pour toutes les productions.
Nous défendons aussi le « troisième pilier » lié à l’OCM, car l’Europe doit fixer des règles plus claires sur la gestion des marchés ».
Suite à cette présentation, des précisions sont apportées par Fabrice Genin, président de la FDSEA 21.
« Je souhaite mettre l’accent sur les zones intermédiaires. Le zonage existe. Nous avons besoin d’une aide de l’ordre de 30 € par ha, pour tenir compte du différentiel de potentiel ».
Toujours dans la même logique, « nous proposons une nouvelle MAEC zone intermédiaire » indique Vincent Lavier, président de la CA 21.
Dans la foulée, Luc Jeannin, administrateur FNSEA, insiste sur la logique des aides couplées, « avec des programmes opérationnels disposant de règles claires pour garantir un retour de valeur ajoutée aux producteurs ».
Il n’est pas possible d’aborder la PAC sans parler de l’installation.
Florent Point explique la priorité des JA et la demande à l’Etat « de ne pas se désengager des cofinancements pour ne pas laisser seules les régions assurer le financement du renouvellement des générations ».
Avec la crise du COVID et la chute des ventes dans certains secteurs, Bernard Bossong, président de la MSA Bourgogne, demande « une enveloppe supplémentaire pour la prise en charge des cotisations sociales ».
Le positionnement du ministre
Après, cette rapide présentation, le ministre précise ses positions.
« Sur les zones intermédiaires, je suis l’un des premiers ministres de l’agriculture à aborder sérieusement cette question. J’ai mobilisé mes services. Mais nous ne devons pas complexifier le dispositif.
Pour ces zones, vous ne devez pas exclure l’agriphotovoltaïque qui pourrait apporter un complément de revenu.
Au sujet de l’eau, nous devons avancer dans ce domaine ; cela nécessite du courage politique et nous en avons, pour sortir et concrétiser les projets.
Dans le domaine des aides couplées, je pense qu’il faut donner un coup de pouce supplémentaire aux protéines.
Au sujet de la MAEC zone intermédiaire, la dernière mesure n’a pas marché ; faites-moi passer vos propositions que mes services les étudient.
Enfin, au sujet de l’assurance, ce dispositif est gourmand en argent. La gestion des risques ne doit pas ponctionner tout le deuxième pilier.
En conclusion, n’ayant pas pu aborder les questions d’actualité, un rendez-vous sera organisé d’ici la fin mars pour aborder, sans précipitation, les dossiers en souffrance.
Préserver les grands équilibres
Les agriculteurs ont besoin de stabilité et de perspectives réalistes
L’Europe doit donner du sens à la PAC en proposant une trajectoire claire aux agriculteurs.
Nos propositions doivent permettre de relever les enjeux de la valeur ajoutée, de la démographie et des transitions par :
– une agriculture diversifiée présente dans tous les territoires.
– un maintien des aides couplées qui assurent un revenu aux producteurs, avec un accompagnement des filières dans le respect des EGALIM (PO).
– une compensation des surcoûts liés aux handicaps pour les zones de montagne et défavorisées simples.
– un accompagnement des zones intermédiaires pour faciliter leur transition.
– une gestion des risques opérationnelle pour toutes les productions.
– un « troisième pilier » avec l’OCM qui renforce la gestion des marchés par les filières.
Une PAC sans rupture qui prépare l’avenir.
Les propositions des organisations agricoles de Bourgogne Franche-Comté
Une convergence externe : -2,05 %
Un transfert P1 vers P2 : 7,53 %
Crédits supplémentaires P2 : 1,02 %
Premier pilier
Convergence interne : à 85 % et un paiement redistributif à 10 % avec la prise en compte des zones intermédiaires (2%° soit 33 € /ha)
Mesure JA : 2 %
Ecoscheme : « 30 %, Bio 5 %, Herbe 9 %, Terres labourées 12 %, Autres 4 % »
Aides couplées : 15,04 %
Programmes opérationnels : 3,5 % sur le premier pilier.
DPB : 39,5 % du P1.
Deuxième pilier
Maintien de l’ICHN 1 milliard complément crédits d’Etat
MAEC 10 % Maec spécifique zones intermédiaires
BIO 4,9 %
LEADER 5 %
Installation et investissements 30 %
Gestion des risques dispositif pour l’ensemble des filières
En résumé
Il est proposé de :
– Défendre une PAC réconciliée qui intègre souveraineté alimentaire, revenu des agriculteurs et respect de l’environnement.
– Proposer une PAC équilibrée et juste qui tient compte des hommes, des territoires et des filières, des plaines et des montagnes, ainsi que des zones intermédiaires.
– Prendre des règles claires et partagées pour une PAC qui ne prend pas à l’un pour remettre à l’autre, mais qui mobilise les énergies pour accompagner les transitions et s’adapte au changement climatique.
– Préparer l’avenir avec une PAC qui ouvre de nouvelles perspectives avec des nouveaux dispositifs sans fragiliser les exploitations agricoles.
– Créer la dynamique d’une PAC qui reste européenne où la France joue pleinement son rôle.