Ces deux dernières années, aussi bien au niveau départemental que régional, les discussions nous ont permis de construire des propositions cohérentes et communes entre toutes les productions. Ces propositions équilibrées sur la Pac, mais aussi sur l’ambition économique liée aux filières, ont été argumentées à Paris, devant le ministre de l’Agriculture et devant l’ensemble de nos parlementaires. Les retours montrent que nos positions interpellent. Mais qu’en restera-t-il ? Les prochains jours le diront…
Nous avons multiplié les rendez-vous sur le terrain ou en visioconférences, pour expliquer aux agriculteurs les enjeux, mais aussi les risques liés aux prochaines décisions du ministre de l’Agriculture ce printemps. Nous avons organisé plusieurs actions pour attirer l’attention de l’État avec, il faut se le dire, une participation somme toute légère, tant côté des agriculteurs que du monde para-agricole, au regard des enjeux majeurs qui sont devant nous. Pourtant, on parle bien là de la future dynamique (ou non) de l’ensemble de notre économie rurale.
Le principal point positif en vue est le développement des cultures protéiques pour plus d’autonomie, même en élevage. Pour le reste, de nombreuses inquiétudes demeurent.
En premier lieu avec la remise en question du couplage (ABA, aide ovine…), perçu comme inefficace et « absorbé », depuis trop d’années, par le marché sans servir les éleveurs. En contrepartie, les ÉGAlim doivent porter leurs fruits, les filières doivent prendre en compte les coûts de productions… ! Quelques chiffres : grâce au relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions, le prix aux consommateurs de l’alimentaire a augmenté de 2,5 % en 2019 et 1,9 % en 2020, soit 1 milliard d’€ sur la France. Où est passé l’argent ? Pas chez nous !
Monsieur le ministre, les éleveurs ne peuvent plus se serrer la ceinture alors que bien des abus sont ailleurs. Dans ce cas, pourquoi rogner les soutiens aux vertueux plutôt que maîtriser les « pirates » de la Pac ? Bien sûr, les dérives sont multiples. Que dire de la coopérative Lactalis qui attaque l’affichage de « l’origine France ».
D’autres questions se posent chez nous. D’autres propositions avec. Nous avons porté l’idée d’une Zone Intermédiaire (ZI), là où les terrains ont les plus faibles potentiels, comme dans notre région Bourgogne Franche-Comté, que le ministre avait lui-même identifié. Nous avons proposé que la convergence (obligatoire) soit fléchée vers ces zones. Qu’en est-il ? Peut-être pour plus tard ! Quand ? Quand il sera trop tard ?
Sur l’environnement, le climat, les grandes ambitions nationales et européennes sont nobles. Monsieur le président de la République, nous paysans, sommes les deux pieds dedans chaque matin. Nous sommes la solution et non le problème. Pourtant, vos administrations inventent trop souvent seules les règles du jeu, sans tenir compte de l’expérience des paysans, sans s’interroger quant à l’efficacité et la faisabilité sur le terrain, sans mesurer si, par ces mesures, les plus vertueux ne vont pas disparaître les premiers… Alors, Mr le président de la République, corrigez le tir, passez le message à vos ministres, la souveraineté alimentaire a un prix, celui de paysans sereins, qu’on ne cherche pas à saquer et décourager à chaque instant, et qui veulent, en bonne intelligence, contribuer aux grands enjeux de demain.
Monsieur le ministre de l’Agriculture, des choix majeurs vous reviennent dans les prochaines semaines, les prochains mois ; seuls deux mots peuvent vous guider : COHÉRENCE et RÉSULTATS.
À nos filières, le grand virage est là, devant nous, les bons choix sont également à faire, comme le Comté a su le faire il y a longtemps, soit on part perdant dans les box de négociations et la funeste histoire est toute écrite, soit on relève le défi d’un prix qui respecte le travail méritant des producteurs. La nature a ses règles immuables, pour avoir des œufs, il faut soigner la poule… Autre exemple en lien, sommes-nous capables de porter tous ensemble l’IGP « Charolais de Bourgogne » avec une image et un prix respectueux de tous ?
À vous chers collègues agriculteurs, rien ne se ferra sans vous, sans votre implication au quotidien pour exiger qu’on vous respecte, par des prix décents et des normes acceptables. Même si la bagarre doit être rude, l’esprit festif d’après victoire ne passe jamais par l’abstention et le silence.
Alors, à tous, à vous tous, si vous acceptez la bataille, c’est ensemble que nous relèverons ce défi du prix, par l’engagement de chacun, chaque jour et en tout lieu.
Luc Jeannin
Secrétaire général FDSEA de Saône-et-Loire et administrateur FNSEA